Le vote a-t-il encore une utilité ?
Je me pose cette question depuis certains faits qui m’ont profondément choqué.
Rappelez-vous le référendum, en France, sur la Constitution de 2005 où le « non » l’avait emporté. Mais aussi le même et sur la même question mais en Irlande et aux Pays-Bas. Malgré ces votes dans le cadre d’un référendum, qui est à ce jour l’expression la plus pure de la volonté générale, les Chefs d’Etat et de gouvernements de l’UE ont négocié et signé le Traité de Lisbonne le 13 décembre 2007. Traité de Lisbonne qui n’est rien d’autre que la copie exacte en légèrement simplifiée du Traité de 2005 sur une Constitution européenne.
Rappelez-vous le vote de la Loi sur le CPE. Pour ceux qui n’ont pas suivi, le CPE, c’est le contrat première embauche qui permettait à n'importe quelle entreprise de recruter un jeune de moins de 26 ans. Ce contrat dont la période d'essai était fixée à deux ans pouvait être rompu à tout moment par l'entreprise et sans justification. Lors de son examen au Parlement en 2006, ce texte a provoqué une vive opposition dans l’opinion et la contestation de plusieurs dizaines de milliers de citoyens, notamment les plus jeunes, concerné au premier chef.
Malgré ça, ce texte a été adopté dans la nuit du 8 au 9 février dans une assemblée largement clairsemée par 51 voix pour (UMP) contre 23 de l’opposition (PS, PC, UDF, Verts). Pour mémoire, l’Assemblée Nationale compte 577 Députés. Cependant, et c’est là que les choses deviennent intéressantes, Jacques CHIRAC, Président de la République de l’époque, s’était publiquement engagé à ce que des modifications soient aussitôt apportées au texte voté par la représentation nationale. Huit jours après sa publication au Journal Officiel, le Premier Ministre Dominique De Villepin proposa de retirer cette Loi et de la remplacer par un dispositif visant à favoriser l’insertion professionnelle des jeunes en difficulté.
Rappelez vous, plus proche de nous, les dernières élections européennes où, parmi les têtes de liste, on trouvait pèle mêle un ministre dont l’objectif est de retrouver son siège de commissaire européen, ce qui n’a rien à voir avec la fonction de Député européen auquel il postule. Un autre ministre qui a publiquement fait savoir que l’Europe doit être faite par des gens qui sont chargés de la faire et qui n’a jamais montré une once de motivation à l’idée de remplir cette fonction, bien au contraire. Encore un ministre qui, une fois élu, souhaite se désengager car justement il ne pensait pas être élu et préfère conserver son marocain ministériel.
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On nous parle souvent de l’incivisme dont ferait preuve le citoyen qui ne remplirait pas son rôle d’électeur. L’abstentionniste, puisque c’est de lui dont il s’agit, se comporte comme un dénigreur de démocratie. Mais pourquoi, l’abstentionnisme devient il, au fil des scrutins, le grand gagnant des élections ?
Tous ces exemples dévoilent deux problématiques essentielles à mes yeux. Notre vote a-t-il encore une signification ? L’acte de voter est-il encore le meilleur garant d’un Etat démocratique ?
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Le vote, par essence, est le moyen, l’outil, d’expression de la démocratie représentative (par les élus) reconnu comme le moyen le plus efficace à ce jour pour assurer la représentation de la volonté générale. Source ultime d’un régime démocratique et non arbitraire assurant la pérennité d’un Etat de droit.
Pour cela, il faut que les individus qui se présentent au suffrage soient conscients et responsables de la tache pour laquelle ils postulent. Un vote n’est pas un jeu, il est un acte grave qui engage le peuple pour l’avenir et qui le représente sur la scène internationale.
Un élu, un prétendant à la fonction d’élu, a des droits mais il a surtout des devoirs. Le premier de ces devoirs, avant même que le vote n’ait lieu, c’est celui d’assumer consciemment et clairement, de manière responsable, le mandat dont il aura à assumer la représentation.
S’il y a bien un domaine qui ne doit jamais faire l’objet de marchandisation, c’est bien l’élection. Un vote ne doit jamais être instrumentalisé ni manipulé. Il doit exprimer la volonté consciente et responsable de celui qui l’exerce. Car qu’est ce être un électeur ? Et au-delà être un humain ? Un être humain qui a le statut juridique d’électeur, celui qui choisit en latin, est désigné comme le citoyen, celui qui appartient à la cité, la polis. Politique. Sans jeu de mot. Un électeur, c’est plus encore car il a une fonction psychologique qui tend à prendre une plus grande importance en fonction des enjeux politiques et sociaux locaux, régionaux, nationaux et/ou internationaux. Le citoyen électeur, c’est celui qui a le pouvoir de changer le cours de son avenir.
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Le prétendant appartient lui aussi à la classe des citoyens. Il vote, mais son vote ne dégage pas le même aura que celui des autres électeurs car sa psychologie du vote est troublée par son subjectivisme qui s’en dégage. Sa responsabilité est ailleurs. L’élu, c’est celui qui est choisi. Il est désigné comme le digne représentant de la classe des citoyens. Et il doit se conformer aux attentes qui sont posés sur ses épaules de manière loyale, c'est-à-dire, en latin, qui doit se comporter conformément à la loi. La loi du vote. Car le vote est aussi une loi. La plus grande des lois car elle est l’expression directe de la volonté générale. Tel que peut l’être un référendum organisé dans des conditions démocratiques.
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Lorsque des prétendants qui, au cours de la période antérieure au vote, ou lorsque ces prétendants sont définitivement élus à l’issu du scrutin, dénigrent ou renient leurs engagements initiaux. Ils dénient le caractère sacré du vote des citoyens électeurs. Ils prolétarisent ainsi le vote, l’élection, en lui refusant toute reconnaissance rétentionnelle. Un vote, une élection, transcende l’être humain. En le désacralisant, ils lui ôtent son caractère sacré, presque religieux, en ce sens qu’ils touchent à Dieu, dans l’imaginaire historique collectif.
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Mes exemples précédents sont des exemples pris au hasard de l’actualité récente. Ils sont ce qu’est devenue aujourd’hui une élection et ce qui explique pour une large part le dénigrement du vote, sa désacralisation par le citoyen électeur. L’abstention, en France, n’a toujours pas de reconnaissance élective, attributive. Elle est déniée à son tour. On ne la considère pas. considerare, de ce qui est observé attentivement.
Cette inattention de la part des pouvoirs politiques et sociaux à l’égard du phénomène abstentionniste est inquiétant. Il est d’autant plus inquiétant lorsque, lors d’un scrutin, il représente près de 59% des suffrages exprimés comme ce fut le cas pour l’élection européenne du 7 juin 2009. Lorsqu’il représente la majorité des suffrages exprimés. Sans comptabiliser les votes blancs ou nuls. Sans compter enfin la masse des individus qui se reconnaissent comme des citoyens français mais qui n’ont pas le statut d’électeur.
59 électeurs sur 100 ne sont pas pris en compte. 75 le seront-ils ? 89 ? 99 ? 100 ?. Qui décidera du plafond au-delà duquel une élection devra se rejouer si l’abstention réunit une large majorité ?
Sommes nous toujours dans un Etat de droit lorsque le phénomène abstentionniste fait l’objet d’une ignorance totale du politique ? Je laisse mon opinion en suspend et vous invite à me proposer la votre.
Huig de Groot